Comme vous le savez, les médailles de naissance sont offertes à l’occasion de la naissance ou du baptême d’un enfant et symbolisent la protection et les vœux de bonheur pour le nouveau-né. Ces médailles ont pu être offertes par les autorités publiques, les institutions religieuses ou même par des familles nobles, et elles servaient à marquer l’importance de la naissance d’un enfant pour la société.
Je n’ai pas trouvé l’origine claire de cette pratique mais il m’est facile d’imaginer qu’elle soit millénaire et partagée par toutes les cultures d’une manière ou d’une autre dans les sociétés humaines. En effet, fêter une naissance, avec tout le magique et incroyable que ça implique, quoi de plus évident ?
Dans tous les cas, au Moyen Age, dans les terres de la future France, cette pratique est liée à la religion chrétienne ; il était courant d’offrir des amulettes ou des médailles bénites pour protéger les enfants des mauvais esprits et des maladies. Elles étaient souvent gravées avec des images de saints, de la Vierge Marie ou d’autres symboles religieux.
Bien sûr, elles devaient être symboliques et intimes pour les gens et il ne nous en reste pas de trace. Pour les nobles, celles qui étaient en métal précieux, on sait qu’elles étaient déjà souvent gravées avec le nom et la date de naissance de l’enfant, ainsi que des images religieuses ou symboliques.
C’est au XIXe siècle, avec la Révolution française et l’établissement de la République, que les médailles de naissance se sont laïcisées et prennent une tournure plus officielle. Elles deviennent un symbole de la nation et de la famille républicaine. La médaille de naissance devient aussi un cadeau offert par la municipalité à l’occasion de la naissance d’un enfant. Par exemple, en 1848, la République française instaure des médailles destinées à célébrer la naissance des enfants dans des familles respectées et souvent dans les villages ou petites villes.
Les valeurs transmises par la médaille sont la protection tout au long de la vie, les valeurs familiales et culturelles d’une génération à l’autre, et le souvenir familial.
Les médailles modernes peuvent être gravées avec des motifs variés, allant des symboles religieux traditionnels aux designs plus contemporains et personnalisés.
Aujourd’hui, on en fait ce qu’on en veut, il y en a qui continuent avec la tradition de la médaille de baptême offerte par les parrains et marraines et d’autres juste pour marquer ce beau événement par une médaille qui accompagnera cet être en devenir tout au long de sa vie.
Les médailles actuelles peuvent donc être gravées avec des motifs variés, allant des symboles religieux traditionnels aux designs plus contemporains et personnalisés.. alors pourquoi pas en mokume-gane 🙂 ?
En effet, le mokume-gane, comme la gravure perdure dans le temps, à l’inverse des médailles plaquées qui s’usent rapidement et si elles conservent le plaisir du cadeau de naissance, perdent le symbole de transmission et de protection.
En résumé, les médailles de naissance en France sont une tradition riche en symbolisme et en histoire, mêlant des éléments religieux et culturels pour célébrer l’arrivée d’un nouvel enfant dans la famille.
Photos d’un pendentif porte-souvenir Pivoine en Argent 925
Pour commencer, une brève définition : le terme cassolettes provient du diminutif du mot cassole, qui vient de l’occitan caçòla signifiant « caisse » ou « caisson ». À l’origine, une cassolette désignait un petit récipient perforé servant à diffuser de l’encens ou un parfum dans une pièce.
Avec le temps, en bijouterie, le terme a évolué pour désigner un pendentif creux, un bijou conçu pour contenir non seulement des parfums ou des souvenirs, mais aussi des objets comme des photos, des messages, et même du poison. Rien que cette définition nous plonge déjà dans un univers riche en histoires et en symbolisme, que l’on retrouve fréquemment dans la littérature et le cinéma.
Origines des pendentifs cassolettes
Les cassolettes ont des origines qui remontent à l’Antiquité, particulièrement dans les civilisations grecque et romaine. À cette époque, de petits récipients contenant des substances parfumées, comme de l’encens ou des herbes, étaient suspendus pour des raisons religieuses ou médicinales.
Au Moyen Âge, les cassolettes ont évolué en objets personnels, souvent portés en amulettes ou en porte-bonheur. Elles contenaient non seulement des herbes médicinales ou des parfums, mais aussi des objets symboliques comme des mèches de cheveux.
C’est à la Renaissance que ces pendentifs ont connu une popularité grandissante parmi les élites. Les orfèvres rivalisaient d’ingéniosité pour créer des pièces diversifiées en termes de matériaux et de formes. Ces petites boîtes portables servaient non seulement à contenir du poison, mais aussi des souvenirs personnels, comme des morceaux de cheveux ou des messages secrets.
À la fin du XVIe siècle, dans les royautés européennes, les portraits peints ont remplacé ces objets personnels, devenant ainsi les premiers pendentifs photos. Cette évolution marquait l’introduction d’un moyen de conserver l’image de ses proches à travers un médaillon, une tradition qui perdure encore aujourd’hui.
Ces objets avaient donc une double fonction, à la fois porte-bonheur et moyen de conserver un souvenir intime. C’est la Reine Victoria, après la mort de son époux, qui popularisa l’usage de ces pendentifs comme symbole de deuil.
Photos montrant la fabrication de la boite Pivoine
Les pendentifs cassolettes aujourd’hui
Aujourd’hui encore, les pendentifs cassolettes sont très prisés en tant que bijoux sentimentaux. En plus de leur caractère symbolique, ces bijoux sont souvent offerts lors d’occasions spéciales telles qu’une naissance ou un mariage, servant de lien entre les personnes, comme un moyen de garder un souvenir de proches à travers un objet chargé de mémoire et d’émotion.
Le cinéma anglo-saxon, particulièrement nostalgique de la grande époque victorienne et édouardienne, a indirectement contribué à la popularisation de ces bijoux, qui sont perçus comme des pièces vintage, souvent associées à des motifs sentimentaux.
Conclusion
Comme nous l’avons vu, les pendentifs cassolettes sont bien plus que de simples accessoires de mode. En plus de leur beauté, ils portent une signification profonde pour ceux qui les portent. Que cette signification soit personnelle ou symbolique, elle a une grande valeur. Personnellement, j’aime créer ce genre de bijoux, à l’image des alliances : ce ne sont pas juste des objets de consommation, mais des objets porteurs de sens. C’est un réel plaisir de fabriquer de telles pièces, et je reste à votre disposition si vous souhaitez faire appel à un artisan bijoutier !
L’orfèvrerie du filigrane, une technique artisanale de fabrication de bijoux, de décorations et d’objets d’art, remonte à des millénaires et traverse l’histoire de l’humanité à travers différentes civilisations.
Comme l’indique le mot (fili et grana), le travail consiste en l’utilisation d’un fil (fili) fin, souvent d’or ou d’argent, torsadé et aplati de manière à faire apparaître sur la tranche les grains (grana) caractéristiques de la filigrane. Une fois confectionné, le fil va être enroulé sur lui-même de manière à former des motifs qui iront remplir des espaces d’une structure plus grande, formant l’ouvrage.
Ce travail, entièrement manuel, juste aidé par une pince brucelle pointue, permet de créer de grandes pièces ouvragées uniques et d’une très grande diversité. Cette technique sophistiquée a non seulement traversé le temps, mais elle a aussi acquis une richesse symbolique et culturelle qui varie d’une époque à l’autre et d’une région à l’autre.
Il s’agit de la première technique que j’ai apprise, c’est sûrement pour cela que je l’affectionne autant.
Je vous mets quelques photos montrant les différentes étapes de fabrication. Vous y verrez dans l’ordre ; la fabrication du cadre, le remplissage avec les fils, la soudure, l’émerisage et enfin le polissage.
Ainsi que quelques photos de bijoux que j’ai fabriqué avant 2013.
Et enfin, une image en CAO de la pièce qui nous a permis, à Aurélien Allier et à moi-même, d’être Lauréat du Concours Jeunes Créateurs, Ateliers d’Art de France en 2013.
Voilà 🙂 …
En Chine
On peut dire que la Chine est le berceau de l’orfévrerie utilisant la technique du filigrane tel qu’on la connait. Les premières mentions de cette technique apparaissent durant la dynastie Han (206 av. J.-C. – 220 ap. J.-C.) . Cette technique a évolué au fil des dynasties et a traversé différentes phases, influencées par les changements culturels, sociaux et politiques. Par exemple, au cours de la dynastie des Tang (618-907), les échanges avec les pays voisins, tels que l’Inde, le Moyen-Orient et les régions d’Asie centrale, a conduit à une meilleure compréhension des techniques métallurgiques et de l’ornementation.
Sous la dynastie Song (960-1279), Le filigrane était souvent combiné avec d’autres matériaux comme l’émail ou la laque, créant ainsi des objets décoratifs d’une grande beauté.
Pour la petite histoire, Louis XIV adorait l’orfèvrerie en filigrane de fabrication chinoise et en avait une grande collection qu’il faisait venir directement. En effet Le règne de Louis XIV apparaît comme un moment exceptionnel pour les relations entre la France et « l’Orient » avec, comme apogée, la célèbre ambassade de Siam, reçue à Versailles en 1686.
Sous la dynastie Qing (1644-1912), le filigrane continue à jouer un rôle important dans l’artisanat, mais commence à se diversifier davantage.
Au XXe siècle, la technique du filigrane a connu une certaine décadence en Chine, notamment en raison des bouleversements sociaux et politiques liés aux guerres et aux révolutions. Cependant, à partir des années 1980 et 1990, avec la renaissance de l’artisanat traditionnel en Chine, le filigrane connaît un renouveau. Aujourd’hui, il est toujours pratiqué par quelques artisans spécialisés, notamment dans les provinces du Guangdong et du Fujian, qui ont été des centres importants de cette tradition au cours des siècles.
En Méditerranée
On retrouve des traces dès le troisième millénaire avant JC au Moyen-Orient, en Mésopotamie, ainsi qu’en Afrique, en Égypte ancienne, où des bijoux décorés de fils d’or finement travaillés ont été retrouvés dans des tombes royales. Cependant, c’est autour du Ier siècle avant J.-C. que le filigrane tel que nous le connaissons a commencé à se développer dans la région méditerranéenne, en particulier dans l’Empire romain, à Rome et à Byzance.
Au Moyen Âge, la technique du filigrane se répandit en Europe, notamment dans les pays méditerranéens, comme l’Italie et l’Espagne, où elle connut un renouveau grâce au christianisme. En effet, les artisans italiens, en particulier en Toscane et à Florence, furent parmi les pionniers dans l’utilisation du filigrane pour les objets religieux, les reliquaires et les objets de luxe. À cette époque, les motifs devenaient de plus en plus complexes, incluant des éléments de l’architecture gothique et des représentations religieuses.
Au XVIe siècle, pendant la Renaissance, le filigrane s’étendit au-delà de l’Italie, en particulier en France et en Espagne, où il devint un élément clé des parures de la noblesse et de la royauté. Les artisans espagnols, par exemple, produisaient des bijoux d’une grande sophistication, intégrant des motifs de la flore méditerranéenne et des figures mythologiques dans leurs créations.
En Inde
L’art du filigrane en Inde remonte à plusieurs siècles, mais il a été particulièrement développé pendant les périodes des royaumes moghols au XVIe et XVIIe siècle. L’Inde a également été influencée par les arts de l’Empire perse et par les échanges commerciaux avec le Moyen-Orient et l’Asie centrale, ce qui a permis d’enrichir les traditions locales.
Les anciennes civilisations de la vallée de l’Indus semble aussi avoir une certaine maîtrise de la technique du filigrane, cependant l’art du filigrane tel qu’il est connu aujourd’hui s’est véritablement développé sous l’Empire moghol.
L’Inde est tellement riche en artisanat régional spécifique, que je peux citer particulièrement pour leurs traditions du filigrane, ces 3 régions : Cuttack (Orissa) , Hyderabad et Le Cachemire.
Le filigrane en Inde est bien plus qu’une simple technique artisanale ; il représente un héritage culturel et artistique profondément enraciné. Que ce soit pour les bijoux, les objets décoratifs ou les éléments architecturaux, cet art continu d’être un témoignage de la finesse et de la créativité des artisans indiens.
En Indonésie
L’Indonésie, archipel vaste et diversifié, est riche en cultures, traditions artisanales et techniques ornementales. Parmi ces techniques, l’art du filigrane occupe une place de choix, en particulier dans la fabrication de bijoux d’une grande beauté et d’une riche signification culturelle.
L’introduction de la technique du filigrane en Indonésie remonte à plusieurs siècles, probablement à travers les échanges commerciaux entre l’archipel et les civilisations d’Asie du Sud-Est, de l’Inde, du Moyen-Orient et de la Chine. Les contacts avec ces régions ont permis l’importation de nombreuses techniques artisanales, dont l’orfèvrerie du filigrane. L’art du filigrane en Indonésie s’est particulièrement épanoui dans certaines régions, comme Bali, Java et Sulawesi, où l’influence des échanges culturels et commerciaux a été la plus marquée.
Aujourd’hui, les artisans continuent de créer des bijoux traditionnels en filigrane, mais ils s’inspirent également des tendances contemporaines et des goûts des visiteurs. En effet, L’Indonésie est un important centre de tourisme, et les bijoux en filigrane sont devenus des objets prisés par les visiteurs étrangers.
De plus, les bijoux en filigrane sont de plus en plus populaires dans le marché du luxe, avec de nombreux créateurs indonésiens exportant leurs œuvres à l’international.
La Diffusion du Filigrane à Travers le Monde
Du Moyen-Orient à l’Europe
Au fur et à mesure des siècles, la technique du filigrane se diffusa à travers le monde grâce aux routes commerciales et aux échanges culturels. Les marchands arabes jouèrent un rôle clé dans la transmission de cette technique en Europe au Moyen Âge, à travers la Méditerranée. Les influences islamiques sur l’art du filigrane sont particulièrement notables, avec des motifs géométriques et des arabesques sophistiquées. Ces influences se sont répandues en Espagne, notamment en Andalousie, où le filigrane a été utilisé dans la fabrication de bijoux et d’objets religieux.
En Amérique Latine
En Amérique latine, le filigrane arriva avec l’arrivée des conquistadors espagnols. Dans des pays comme le Pérou, le Mexique et le Brésil, la technique s’intégra aux traditions locales et fut utilisée pour créer des bijoux et des décorations d’une grande beauté. Au Pérou ou en Colombie par exemple, des artisans continuent de fabriquer des bijoux en filigrane, héritage direct des traditions andalouses et italiennes.
En Afrique
En Afrique, la technique du filigrane fut influencée par les échanges avec les Arabes puis avec les Européens. En particulier dans les régions du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest, le filigrane est utilisé pour créer des bijoux traditionnels et des objets rituels, souvent en or ou en argent. En Égypte, le filigrane continue d’être un élément central dans la création de bijoux traditionnels.
Le Filigrane Aujourd’hui : Une Tradition Vivante ou simple relique?
Aujourd’hui, la technique du filigrane perdure dans de nombreuses régions du monde, bien qu’elle ait évolué au fil des siècles. En Italie, au Portugal, en Indonésie, en Russie, au Mexique, au Maroc ou en Turquie, des artisans continuent de maîtriser cet art ancestral et de transmettre leur savoir-faire.
En Europe occidentale, cependant, les objets en filigrane sont souvent perçus comme des bijoux ethniques ou des témoins d’une culture traditionnelle en déclin. Il est vrai que la technique du filigrane reste un artisanat difficilement mécanisable, entièrement manuel. La fabrication d’objets filigranés est un processus long et laborieux, peu compatible avec les exigences d’une société de consommation industrielle, d’autant plus lorsque l’industrie du luxe domine et impose sa vision de la mode.
Heureusement, cette technique continue de rayonner à travers le monde. Des pays comme l’Indonésie ou l’Inde parviennent encore à séduire une population mondiale plus réceptive au travail artisanal et à son esthétique unique.
Ainsi, bien que les bijoux en filigrane en Europe ne soient plus que des vestiges de nos traditions régionales et visibles essentiellement dans nos musées, la vitalité des artisans dans le monde et du marché asiatique me laisse entrevoir un avenir prometteur pour cette belle technique.
Je souhaitais commencer ce blog par un article sur l’Art Nouveau. Cette période entre 1890 et1910 marque une révolution et le début de la bijouterie actuelle. En effet, avant cette époque, le métier n’avait pas beaucoup évolué en Europe depuis des siècles et cette période l’a complètement transformé, par l’apport des technologies (en particulier par l’électricité) et par l’apparition d’intermédiaires entre les clients et les artisans ; ces deux facteurs ont permis à des créateurs d’imaginer et à des artisans d’innover. Je vais essayer d’expliquer dans cet article le contexte historique, comment les bijoux de cette période se caractérisent et comment cette révolution a pu être possible. Pour finir j’expliquerai pourquoi cette période est si importante pour moi en tant que bijoutier.
Le contexte historique
On parle souvent de l’Art Nouveau, entre 1890 et 1910, comme d’une révolution pour la bijouterie en Europe. Si cette révolution est bien réelle, c’est surtout dû au contexte économique, à l’ouverture du monde, au transfert des savoir-faire et à l’évolution des technologies qui sont propres à cette période.
Ces années marquent l’apogée de la domination des puissances européennes dans le monde et la mise en place de l’économie mondiale actuelle. Le Japon et le États-Unis commencent à se faire des places de puissances mondiales, la paix mondiale est assurée par l’Angleterre, des échanges économiques stables en découlent. En Europe, l’argent coule à flot chez les classes dominantes.
Bref, cette période permet aussi bien l’arrivée d’objets d’art des colonies d’Afrique, d’Asie que des pièces d’orfèvrerie en Europe et, pour tous, la découverte de nouvelles cultures, de langues et d’idées.
Et quand il y a de l’argent à dépenser et du temps, comme toujours chez les humains, c’est un peu la rivalité pour décorer sa nouvelle maison et se parer pour sortir… Dans tous les cas, ça a bien profité aux vendeurs de bijoux parisiens, et j’espère qu’à certains bijoutiers aussi !
Sans compter que, grâce au transport en bateaux à vapeur qui rendent les voyages plus sûrs et rapides, les clients riches du monde entier se bousculent dans les palais parisiens avec leurs demandes extravagantes et leur goût, comme les familles indiennes et leurs caisses de pierres précieuses qui ont stimulé les vendeurs et contraint les artisans à copier et évoluer.
Comment la période Art Nouveau se caractérise-t-elle ?
Tout d’abord, les bijoux Art Nouveau s’inspirent de la nature, du vivant, avec des motifs floraux, végétaux ou animaliers. Ils se caractérisent souvent par des formes sinueuses et asymétriques, inspirées de la morphologie humaine ou des éléments naturels.
Contrairement aux lignes droites et géométriques de l’Art Déco qui lui succédera, l’Art Nouveau se distingue par des courbes fluides et des formes presque « liquides », créant un effet de mouvement, de vie.
Les bijoux de cette période, dans la continuité du mouvement artistique du symbolisme, sont souvent porteurs de symboles personnels et mystiques avec un lyrisme tout particulier. Par exemple, des motifs comme le serpent, la libellule ou l’orchidée pouvaient symboliser la féminité, la renaissance ou la transformation.
Ça a donné une autre caractéristique de certains bijoux Art Nouveau : la représentation stylisée de la figure féminine. En effet, les visages de femmes, parfois avec des cheveux flottants ou dans des poses élégantes, étaient souvent intégrés dans les créations, parfois même en tant que motifs centraux. Ces figures étaient souvent idéalisées et associées à des éléments naturels, comme des fleurs, des plumes ou des papillons.
Je ne peux pas parler des bijoux Art Nouveau sans citer les créateurs de bijoux emblématiques de l’Art Nouveau comme René Lalique, Verver, Georges Fouquet, Victorien Auger, et Louis Comfort Tiffany aux États-Unis.
Comment cela a-t-il été possible ?
Cette recherche de fluidité et de nouvelle forme a été possible par les découvertes scientifiques, comme dans l’industrie chimique avec l’obtention de nouvelles couleurs et de textures d’émail, ce qui a permis l’utilisation de l’émail cloisonné cher à Lalique. Mais aussi par la découverte de nouveaux matériaux comme le platine. De plus, le succès de la perliculture par Kokichi Mikimoto et de son épouse au Japon en 1898, a permis l’utilisation de la perle. En outre, la modernisation des techniques de taille de pierre, ainsi que l’accessibilité des gisements de pierre, ont permis aux lapidaires d’innover en utilisant d’autres gemmes comme l’opale, le jade, l’ambre.
En résumé, la bijouterie de cette période Art Nouveau, boostée par des conditions idéales économiques et des découvertes technologiques et culturelles, se distingue par une recherche esthétique unique où la nature, la fluidité des formes et la féminité s’entrelacent. Elle marque un rejet du classicisme et de la rigueur, et recherche avant tout l’harmonie et l’émotion à travers la beauté des formes et des matériaux.
En quoi cette période m’intéresse-t-elle particulièrement en tant que bijoutier ?
Cette période m’intéresse parce qu’elle est le début de la bijouterie de ces 100 dernières années, elle est la bijouterie de mon apprentissage, la bijouterie que j’aime faire, complexe, difficile qui demande de l’habileté, de la dextérité, du temps et de la connaissance. Elle a du sens pour moi, homme du 20ème siècle!
Cette époque a permis le début d’un artisanat manuel renforcé par des connaissances apportées par des sciences comme la physique avec les optiques, l’électricité avec les moteurs, et la chimie avec les couleurs des émaux et la compréhension des propriétés physico-chimique des métaux et des alliages… Les artisans de cette époque ont su adopter la modernité sans perdre leur métier qui a été facilité, et non détruit, contrairement à tant d’autres métiers artisanaux de la révolution industrielle . Et cette période faste a pu se prolonger jusqu’à il y a quelques années, dans les années 2000, avec l’apparition d’une nouvelle révolution, le révolution numérique qui a complètement bouleversé le métier. En effet, la bijouterie a toujours été un artisanat d’élite, le bijoutier avait une longue formation, variée et irremplaçable. Cela a désormais changé : chaque spécialité peut être remplacée ou simplifiée par une machine peu chère (fabriquée à bas coût en Asie) à tel point que l’humain n’est plus qu’un rouage final, irremplaçable d’une chaîne de montage fordiste de l’industrie du luxe.
Les artisans de l’époque Art Nouveau, aidés par les créateurs des maisons parisiennes ont innové à tel point qu’aujourd’hui encore, cette période ainsi que celle qui lui succède (Art Déco) sont les périodes qui définissent la bijouterie française.
La question actuelle est : est ce que les technologies numériques vont entraîner le même foisonnement d’idées et d’innovation que l’Art Nouveau?